Ce vendredi, afin de préparer l’examen du texte, j’ai pris connaissance des 630 amendements déposés sur le projet de loi.
Et je peux vous dire que la lecture n’a pas été facile.
Interdiction du port du voile dans les espaces publics, interdiction du burkini, prestations de serment et contrats en tout genre imposant le respect de la laïcité, interdiction des produits issus de l’abattage rituel, pouvoirs renforcés de contrôle et d’enquête en cas de suspicion de séparatisme, croisement des fichiers, interdiction des drapeaux étrangers, retrait de subventions et dissolution d’associations, incitation à la délation pour faire respecter la laïcité, facilitation des expulsions de ressortissants étrangers, restriction de la liberté d’expression à l’université…
A la lecture de ces amendements, j’ai cru, un court instant, que notre collègue issu du Rassemblement national avait fait du zèle en déposant des centaines d’amendements.
Mais force est de constater que ces propositions que je viens de vous citer sont toutes issues de la majorité sénatoriale. De la droite dite « républicaine ».
Mes chers collègues, à gauche, beaucoup accusent les Républicains d’avancer masqués, de faire le jeu du RN. Je ne suis pas d’accord.
Aujourd’hui, à l’heure où débute l’examen de ce projet de loi, nous pouvons l’affirmer : le basculement idéologique est acté, parachevé. Le basculement entier, de toute une part de l’échiquier politique vers l’extrémisme le plus abject, le plus outrancier. Vers la stigmatisation de toute une partie de notre population.
Mes chers collègues de droite, plus rien ne vous différencie du Rassemblement national, ni sur les valeurs, ni sur la méthode.
[Vociférations à prévoir]
Vous pouvez bien hurler, mais si vous aviez mis ne serait-ce que le dixième de cette énergie, le dixième de cette hargne et de cette haine dirigée contre les musulmans de ce pays, à lutter contre le grand capital, contre les inégalités sociales, contre le réchauffement climatique, à l’heure actuelle, nous serions déjà tous sauvés !
Vous pouvez en être assurés, mes chers collègues, l’Histoire vous jugera pour ces jours qui s’annoncent lors de l’examen de ce texte.
Notre jeunesse, celle qui aujourd’hui compte plus d’un million d’individus sous le seuil de pauvreté, vous jugera.
Le monde associatif, malmené comme jamais depuis le début du quinquennat et contre qui vous jetez une suspicion détestable de participer à l’islamisme, vous jugera.
La société tout entière, prise à la gorge depuis le début de la crise, épuisée par les restrictions, meurtrie par une pandémie qui n’en finit pas, vous jugera.
Tous vous jugeront, pour avoir passé deux semaines entières à jeter l’opprobre sur toute une partie de la population française pour flatter les plus bas instincts de la frange la plus radicalisée de votre électorat.
Ni le projet de loi initial, ni vos amendements ne permettront d’avancer d’un pouce dans la lutte contre le salafisme, cela doit être dit et répété.
Je le rappelle, si dans les valeurs de la République figure la laïcité, il y figure aussi la république sociale, la démocratie, la lutte contre le changement climatique, l’égalité entre les femmes et les hommes.
Mes chers collègues, je le dis sans détour, le seul séparatisme que ce projet de loi a mis en lumière, c’est le vôtre d’avec les valeurs de la République.