Economie du Livre – 2ème lecture

Mes chers collègues,

Cette proposition de loi est le prolongement de la politique culturelle française qui prend ses racines dans la loi Lang, qui a fêté ses 40 ans. 

Une politique basée sur une idée simple : le livre n’est pas un bien de consommation comme les autres et – par conséquent – son commerce doit obéir à certaines règles, avec notamment un prix unique du livre.

Le texte actualise cette politique en prenant en compte une nouvelle réalité, celle des géants d’internet, et en particulier Amazon. 

Nous sommes largement favorable à ce texte et je salue une nouvelle fois le travail remarquable de Laure Darcos pour sa rédaction et pour avoir tenu bon face aux pressions intenses du géant américain dont elle a fait état en commission. 

Derrière les prix bas, la simplicité, l’ergonomie, la rapidité de livraison et les références infinies, prenons quelques instants pour évoquer cette entreprise et les dangers que son modèle fait peser sur notre société.

En 2020, Amazon c’est 60,64 millions de tonnes d’équivalent CO2 émis.

19% d’augmentation par rapport à 2019. 

Un niveau d’émissions de gaz à effet de serre équivalent à celui d’Israël, de l’Autriche ou de la Grèce.

Amazon, c’est également des millions de produits neufs détruits chaque année : une enquête a montré que dans un seul entrepôt  la firme pouvait détruire plus de 6 millions de produits par an.

Dans un rapport, l’inspection générale des finances alerte sur la non-facturation de la TVA par plusieurs vendeurs d’Amazon et Cdiscount : 98 % des vendeurs enregistrés sur les « marketplaces » contrôlées ne sont pas immatriculés à la TVA en France. 

Voilà la réalité des prix cassés.

Au niveau social, le tableau n’est pas plus reluisant avec une généralisation des emplois précaires, mal rémunérés, faisant largement appel aux horaires de nuit et sous la menace de licenciements abusifs. 

Pour un emploi créé chez Amazon, le commerce de proximité perdrait 2,2 emplois en France.

A ce sujet, le texte que nous examinons aujourd’hui permet de réguler en partie la menace que l’entreprise fait peser sur les librairies indépendantes. 

En proposant un tarif de livraison à 1 centime d’euro, Amazon bénéficie d’une distorsion de concurrence qui met à mal le modèle économique des 4000 librairies qui maillent notre pays.

L’article premier y remédie en proposant l’instauration d’un tarif réglementé pour la livraison de livres, déterminé par décret en lien avec l’ARCEP. Cette proposition phare de la proposition de loi, bienvenue pour réguler ce marché de manière efficace, nous semble relever du bon sens. Mais il semblerait qu’Amazon ne l’entende pas de cette oreille.

Notre collègue Laure Darcos a révélé en commission les négociations purement commerciales qu’a souhaité engager la plateforme avec le législateur, je ne reviendrais pas dessus mais je la remercie pour la transparence dont elle a fait preuve en affichant en plein jour ce genre de méthode.

Nous voterons l’article de cette loi, puisqu’il constitue un caillou nécessaire dans la chaussure du géant. En espérant qu’il ne soit qu’une première étape vers une régulation plus importante des pratiques de cette firme.

Autre mesure d’importance de ce texte, l’article 2 qui permet aux communes et à leurs groupements de délivrer des subventions à des librairies indépendantes en difficulté, comme c’est déjà possible pour le cinéma. Cette mesure permettrait ainsi le maintien d’un réseau dense, y compris dans nos zones rurales.

Les articles 3, 4 et 5 proposent plusieurs améliorations bienvenues aux relations entre les acteurs du secteur, par exemple en permettant aux auteurs de saisir, préalablement à une action en justice, le médiateur du livre.

Mes chers collègues, le livre est un secteur essentiel, tous les acteurs l’ont montré durant la pandémie. Les librairies ont fait preuve de leur résilience durant cette crise en affichant des pertes pour 2020 de seulement 3% alors que les prévisions les plus alarmistes s’orientaient vers -15% voire -20%. Les Françaises et les Français ont témoigné de leur amour pour ces acteurs culturels en se ruant dans les librairies à chaque déconfinement. La présente proposition de loi reconnaît cette réalité et permet de soutenir encore davantage ce secteur.

Elle permet aussi de mettre un frein à l’appétit sans limite d’une entreprise qui ne respecte rien ni personne – à commencer par la démocratie parlementaire.

C’est pourquoi le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, comme il l’a fait en première lecture, votera résolument pour.

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