Madame la ministre,
Le débat que nous avons aujourd’hui intitulé “Education, jeunesse : quelles politiques ?” permet de questionner un sujet central : la place de la jeunesse dans nos politiques publiques. L’ensemble de nos politiques publiques.
Et le moins que l’on puisse dire c’est que dès lors qu’on approche ce sujet de manière globale, le constat est peu reluisant pour ce gouvernement.
Que veut dire être jeune sous Emmanuel Macron ?
Tout d’abord, concernant les conditions matérielles, la précarité de la jeunesse est criante. Elle s’est manifestée de façon spectaculaire dans l’espace public pendant la crise COVID par ces longues files d’attente devant les banques alimentaires. Mais elle n’est pas nouvelle.
Dans notre pays, 1,5 millions de jeunes sont soit travailleurs pauvres, soit ni en emploi ni en formation et un jeune sur cinq vit sous le seuil de pauvreté.
Pourtant, face à ce constat alarmant, le soutien financier à la jeunesse ne fait manifestement pas partie des priorités du gouvernement.
Leur accès aux droits sociaux est toujours extrêmement limité.
Pour commencer, les jeunes sont très majoritairement écartés du dispositif de l’assurance chômage. En cause notamment, une durée de travail minimale nécessaire de 6 mois sur 24 mois pour bénéficier de l’allocation – ce qui écarte de nombreux jeunes qui n’ont accès qu’à des emplois courts et très précaires.
A celà s’ajoute que durant le confinement, 58% des étudiants ont été forcés d’arrêter, réduire ou changer leur activité rémunérée.
Pour les étudiants, il leur est quasiment impossible d’accéder à l’assurance chômage, puisque celle-ci est liée à une recherche active d’emploi, considérée par Pôle Emploi comme incompatible avec une scolarité universitaire. Ils travaillent, cotisent, mais n’ont droit à rien.
Non accès encore des jeunes, mais cette fois-ci au RSA. Toute cette partie de la population, les 18-25 ans, est volontairement écartée de cet indispensable amortisseur social au motif que – je cite M. Bruno Le Maire – “A 18 ans ce qu’on veut, c’est un travail, on ne veut pas une allocation”.
Cette affirmation n’est pas seulement paternaliste et méprisante, elle est aussi un déni de réalité économique. Le ministre de l’économie devrait lire la prix Nobel d’économie Esther Duflo dont l’ensemble des travaux démontre qu’il n’y a absolument pas d’effet décourageant face au travail quand on perçoit des aides, sans condition, bien au contraire. Plus on aide les gens, plus ils sont capables de repartir d’eux-mêmes, plus ils sont aptes à sortir de la pauvreté. Vous privez donc la jeunesse d’un peu de dignité économique pour des raisons purement idéologiques.
Au-delà des questions de niveau de vie se pose aussi la question de la santé de la jeunesse.
Un tiers des étudiants déclarent avoir renoncé au moins une fois à des examens ou soins médicaux au cours de l’année 2020 pour des raisons financières.
Rien d’étonnant, quand on sait qu’un tiers des jeunes n’est toujours pas couvert par une mutuelle.
Si le gouvernement a mis en place la complémentaire santé solidaire – qui remplace la CMU-C et élargit son périmètre – la cour des compte note dans un rapport que les étudiants ne sont pas concernés par le renouvellement automatique de cette couverture ; les obligeant ainsi, chaque année, à refaire leur dossier, ce qui augmente inexorablement le taux de non recours.
Au niveau de la santé mentale, là aussi, les chiffres sont inquiétants.
Un tiers des étudiants a présenté les signes d’une détresse psychologique durant le confinement et les files d’attentes devant les psychologues universitaires se sont allongées durant la pandémie.
Si le pass psy, avec le remboursement de 3 séances annuelles, a été mis en place – tardivement – par le gouvernement, cette mesure, certes bienvenue, ne nous semble pas à la hauteur pour faire face à l’urgence.
Enfin, quelles perspectives offrir à cette jeunesse ?
Au-delà des injonctions creuses et paternalistes sur la “valeur travail », quelle mesure concrète, quelle politique emblématique pour l’avenir le Gouvernement a-t-il mis en place pour remobiliser la jeunesse? Le Service national universel.
Ce service, qui surfe sur la nostalgie naïve du service militaire, sur une vision surannée de l’ordre républicain le doigt sur la couture du pantalon et sur le fantasme d’une jeunesse en uniforme, qui apprend à saluer et marcher au pas, ne correspond à aucun enjeu ni aspiration de notre époque ou de notre jeunesse.
Pour autant, son budget a quasiment doublé, passant de 62M€ à 110M€. Pour un service qui n’a rien d’universel : parmi les volontaires, seuls 4% proviennent des quartiers populaires. Un chiffre à mettre en parallèle avec les 37% de volontaires qui ont des liens familiaux avec des personnes portant l’uniforme. Le public est donc pour l’instant très spécifique. On est très loin des objectifs initiaux et son caractère universel n’est qu’une illusion.
Alors que la crise a été révélatrice de la précarité et des difficultés d’accès aux droits de la jeunesse, les réponses du gouvernement manquent complètement leur cible.
A celà s’ajoute une politique écologique totalement irresponsable qui hypothèque largement l’avenir des générations futures.
Alors, madame la ministre, à notre tour de vous poser la question que soulève ce débat.
Jeunesse, éducation : où est passée la politique du gouvernement ?