Retour des biens culturels extra-européens

Madame/Monsieur le/la Président-e,
Madame la Ministre,
Madame la Rapporteure,
Mes chers collègues,

Le 28 novembre 2017 devant les étudiants de l’université de Ouagadougou, le Président de la République prenait un engagement qui se voulait fort. Lors de ce discours, le Président reconnaissait qu’il était inacceptable que l’Afrique soit dépossédée d’une large partie de son patrimoine culturel et il s’est engagé alors à permettre, d’ici 2022, « des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique ».

Il y a tout juste un an, nous examinions un projet de loi actant le retour du trésor de Béhanzin et le sabre avec fourreau dit d’Omar Tall respectivement au Bénin et au Sénégal. 

Nous sommes encore loin d’un processus dynamique d’une diplomatie culturelle plus active avec le continent africain.

En prenant en compte les demandes émises par tous les pays connues à ce jour – Tchad, Mali, Ethiopie, Madagascar, etc. – ce sont en effet plus de 13 000 biens qui devraient être examinés comme “candidats au retour” sur leur terre d’origine. Le texte de l’année dernière a été le seul et unique du quinquennat en provenance du gouvernement sur ce sujet.

Certes, le cadre législatif ne facilite pas les choses puisque chaque restitution émanant des collections nationales doit faire l’objet d’un texte de loi spécifique.

Déjà en 2018, les universitaires Felwine Sarr et Bénédicte Savoy ont évoqué cette situation dans leur rapport intitulé « Restituer le Patrimoine africain : vers une nouvelle éthique relationnelle ». Ils y reconnaissent que l’usage de ces lois d’exception « limite à l’extrême les cas de restitution » et qu’il conviendrait d’amorcer des démarches plus durables et globales avec les pays concernés.

Il y a bien nécessité de sortir des lois d’exception et d’établir une coopération culturelle plus intense avec le continent africain. Celà passe par une forte évolution des mécanismes de restitution actuels, tributaires du fait du prince, souvent en dehors de toute considération scientifique ou patrimoniale. La présente proposition de loi va dans ce sens et nous le saluons.

Ce texte prévoit la création d’un Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour des biens culturels extra-européens. Il aura pour mission de donner son avis sur les demandes de restitution et sera composé d’experts de nombreuses sciences humaines et historiques chargées d’évaluer ces demandes. Nous espérons qu’il permettra d’objectiver les motivations des restitutions et donc d’en accélérer le processus. Non pas que nous soyons pressés de nous débarrasser de ce patrimoine, mais parce qu’il est temps de construire la coopération culturelle avec le continent africain sur des bases saines, affranchies, autant que faire se peut, des considérations purement diplomatiques du moment.  

La proposition de loi procède d’une intention louable, la méthode est la bonne, et elle pallie les manquements du gouvernement.

Toutefois, comme l’année dernière, je ne peux m’empêcher d’appeler à ce que nous allions encore plus loin. Nous espérons qu’à terme le parlement pourra se baser sur ce conseil nouvellement créé pour valider les restitutions proposées par le conseil, à l’occasion du vote d’une loi annuelle, par exemple. Ainsi, nous pourrions satisfaire à la fois à l’inaliénabilité des collections, mais aussi à la nécessité d’un cadre stable de restitution.

Oui nous avons besoin d’un cadre stable pour ces restitutions. C’est le ciment indispensable d’une nouvelle approche avec le continent africain. Une “nouvelle éthique relationnelle” comme le disent Felwine Sarr et Bénédicte Savoy.

Le débat sur la dépossession de notre patrimoine culturel français est caduc. Il s’agit désormais d’instaurer un dialogue avec les pays d’origine de ces biens, afin qu’ils deviennent, comme nous l’avons été avant eux, les gardiens d’un patrimoine pour toute l’humanité.

C’est cet idéal qu’il nous faut viser, inlassablement. Celui du dialogue entre chacune des cultures pour le bien de toutes. Celui du partage vu comme un enrichissement mutuel et non une dépossession. Celui de la justice et de la culture comme offrande faite au monde.

C’est un combat de tous les instants et de toutes les politiques, fait de petits pas et de grandes avancées. La présente proposition de loi fait partie de ce mouvement et c’est pourquoi le groupe écologiste – solidarité et territoires votera résolument en sa faveur.

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