Madame/Monsieur le/la Président-e,
Madame la Ministre,
Messieurs les Rapporteurs,
Mesdames les rapporteures pour avis,
Mes chers collègues,
L’examen des crédits de la mission Culture s’établit dans un contexte d’extrême fragilité du secteur en pleine convalescence. La crise Covid a profondément bouleversé les pratiques et les fréquentations du public.
Si les fermetures totales, les jauges et les débats entre activités essentielles et non-essentielles sont aujourd’hui un mauvais souvenir, la fréquentation n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant crise.
-15 % par rapport à 2019, que ce soit pour les musées ou les spectacles vivants et les arts de la scène. Et ce chiffre n’est qu’une moyenne, des écosystèmes culturels déjà fragiles sont toujours en pleine incertitude. Les menaces que font peser les JO sur la saison culturelle 2024 n’aident pas à retrouver des perspectives rassurantes.
A cette situation déjà difficile est venue s’ajouter une autre crise, non plus sanitaire, mais énergétique et d’approvisionnement : l’explosion des coûts des factures d’électricité et de gaz, ainsi que des matériaux de construction. Celle-ci impacte aussi très durement les équipements culturels et leurs opérateurs. Et là encore les plus petits sont les plus exposés.
Face à cet état de crise multiple, il faut le reconnaître, l’Etat a répondu présent. En témoignent les 2 milliards d’euros débloqués pour la culture durant le plan de relance, ainsi que des budgets de la mission Culture à proprement parler en constante augmentation – c’est d’ailleurs toujours le cas cette année, avec une augmentation de 7% des crédits alloués.
Bien sûr, ce soutien est loin d’être parfait. On ne peut que regretter les efforts de “relance” plus importants sur le patrimoine que sur la création, l’absence de prise en cause de la relation systémique entre les acteurs – surtout pour les petites structures associatives culturelles – ou encore la place de la rénovation énergétique encore limitée dans les budgets.
Détaillons maintenant thème par thème les grandes composantes du budget.
Sur le patrimoine, tout d’abord. Près de la moitié de l’augmentation du budget du programme 175 est dû l’augmentation des coûts et de l’inflation sur toute la chaîne de valeur culturelle : on y retrouve ainsi des coûts en augmentation très forte pour les chantiers de plusieurs sites comme la cathédrale de Soissons ou de Saint-Louis de Versailles, ainsi que des dépenses d’électricité qui pourraient augmenter entre +128% et +285% selon les estimations de nos rapporteurs.
Sur la Création ensuite, là aussi l’effort est présent. Pour la première fois, le budget dépasse désormais la barre symbolique du milliard d’euros et il faut le saluer. L’augmentation vise aussi bien à préserver les marges artistiques des opérateurs et des acteurs culturels face à l’inflation que soutenir l’emploi via la revalorisation du Fonpeps ou encore plusieurs projets d’investissement et d’aménagement comme le théâtre national de Chaillot ou la cité du Théâtre.
Vient enfin la transmission des savoirs, programme dans lequel 25% du budget est consacré au Pass Culture, à hauteur de 208,5M€. Alors oui la politique du chèque, y compris dans la culture, n’est pas l’idéal. Il pourrait être en effet mieux ciblé, mieux accompagné, l’enveloppe pourrait être plus importante… Mais tout ce qui concourt à l’éveil culturel de la jeunesse, à lui offrir un accès simple à la diversité culturelle, même sans médiation, doit être salué.
Nous l’avons vu, dans chacun des programmes, la crise énergétique est une donnée majeure. Et puisque l’on parle de facture énergétique, il ne faut pas oublier les collectivités territoriales. Celles-ci représentent en effet 75% de l’investissement public en direction de la culture (9,8 milliards en tout contre 3,5 milliards pour l’Etat).
Or, les directeurs des affaires culturelles en collectivités anticipent des cadrages budgétaires stricts pour l’exercice 2023 et laissent craindre une baisse du budget des collectivités dédié à la culture de 10 à 20 %. Cette situation fait craindre que le volet culturel soit une variable d’ajustement pour les collectivités si celles-ci ne sont pas suffisamment soutenues, en raison de la faible reprise du secteur et malgré les filets de sécurité et autres plans de soutien.
Voilà pourquoi nous vous proposerons, par le biais d’un amendement, de soutenir davantage les collectivités pour absorber l’augmentation des factures de leurs équipements culturels.
Nous ne nous contenterons pas de gérer la casse, puisque nous vous proposerons également d’aller plus loin dans la planification, ce que ne fait pas ce budget. Nous souhaitons l’émergence d’un fonds, correctement doté, pour enfin enclencher la rénovation énergétique des équipements culturels. Plusieurs acteurs du secteur ont fait part de leur volonté de s’engager dans cette voie et nous voyons – au-delà de l’aspect climatique – que la crise énergétique leur a donné raison. Nous soutiendrons naturellement leurs revendications.
Enfin, madame la ministre, je tiens ici à me faire le relais de plusieurs inquiétudes concernant la planification culturelle sur le long-terme de l’Etat. Même si formellement, cela n’est pas rattaché à cette mission, le plan France 2030 est aussi un levier stratégique culturel. Or, on y voit beaucoup de mentions aux NFT, au métavers, et à d’autres gadgets techno-culturels qui, au delà de l’effet bulle médiatique, à l’heure où nous parlons, se sont avérés être soit des arnaques grossières, soit des gouffres financiers sans fin – comme en témoigne aujourd’hui la situation de Meta, la firme-mère de Facebook.
Madame la ministre, il y a mieux à faire, ne serait-ce que pour la Musique. Le soutien au CNM doit être renforcé, que ce soit par le biais d’une fiscalité affectée plus diversifiée et par un soutien de l’Etat renforcé. Nous attendons ainsi les conclusions de la mission confiée à notre collègue Julien Bargeton.
Mais d’ici là, je sais bien que le CNM ne relève pas stricto sensu de la mission Culture, comme la planification de France 2030 ou comme le soutien aux collectivités. Beaucoup de choses ne sont pas dans cette mission. L’écosystème de la Culture dans notre pays flirte avec les 50 milliards d’euros de valeur ajoutée, soit près de 2% du PIB et 700 000 emplois.
Le budget que nous examinons aujourd’hui est un budget de rémission, un budget qui tente encore de pallier les difficultés d’un secteur à l’écosystème certes riche dans notre pays mais qui se révèle aussi d’une infinie fragilité.
Il lui manque le souffle d’une grande relance culturelle. Toutefois nous voterons pour les crédits alloués à cette mission.