Madame/Monsieur le/la Président-e,
Monsieur/Madame le/la Ministre,
Madame la Rapporteure,
Mes chers collègues,
La situation des AESH dans notre pays est un scandale absolu.
Absolu.
Plus de 130 000 femmes – Oui la profession est féminine à 93% – exercent une mission indispensable auprès des enfants en situation de handicap. Sans leur travail, ces élèves ne pourraient pas suivre une scolarité comme les autres élèves : on parle donc ici de l’essentiel, du non-négociable, de quelque chose de vital dans notre pacte républicain. Oeuvrant pour une politique indispensable, pour une école ouverte à toutes et tous, elles sont méprisées par l’Etat employeur.
Comme bon nombre de travailleuses et travailleurs essentiels, ces AESH exercent dans des conditions indignes. Leur salaire moyen dépasse à peine les 800 euros par mois, bien en dessous de tous les seuils de pauvreté, relatifs ou absolus.
Cette faible rémunération est en grande partie due à une incapacité systémique de ces personnels à travailler à temps plein : l’organisation de travail, notamment en raison de trop grands PIAL qui les forcent à une mobilité importante, ne permet pas d’atteindre les 35h. En moyenne, les AESH passent 24h par semaine auprès de leurs élèves. Le reste du temps, elles le passent sur les routes. Seulement 2% des AESH sont à temps complet.
2% !
Leur statut – ou plutôt l’absence de statut – est devenu un enjeu de premier ordre. 80% des AESH accumulent les CDD, ce qui les plonge dans une grande précarité subie.
Ajoutons à cela un manque de formation, des incertitudes bureaucratiques pour savoir qui de l’Etat ou des collectivités doit prendre en charge les temps périscolaires, souvent une exclusion de l’équipe pédagogique : voilà réunies toutes les conditions pour saper, pour décourager à petit feu une profession toute entière.
Ce n’est pas du catastrophisme, le système actuel des AESH nous montre des premiers signes d’effondrement : il y a deux fois plus d’enfants en situation de handicap ayant besoin d’une aide humaine dans notre pays que d’AESH, ces enfants se retrouvent bien souvent sans solution. A tel point que les familles qui peuvent se le permettre ont désormais recours à des AESH privés pour pallier les manques. Une rupture d’égalité insupportable symptôme de l’urgence de la situation.
Vient ensuite la question des assistants d’éducation, les AED. Si leur situation est moins critique que celle des AESH, elle doit aussi nous alerter. Cette profession était pensée au départ comme une première immersion dans la communauté éducative pour des jeunes qui auraient vocation à se présenter ensuite aux concours de CPE ou de professeurs. Or aujourd’hui, seuls 15% des AED s’engagent dans cette voie et moins d’un tiers sont des étudiants. Nous avons donc des gens pour qui être AED devient peu à peu le métier, alors que la profession est tout aussi précaire que celle des AESH.
Voilà comment l’on traite aujourd’hui les personnels de l’éducation nationale. Dès lors, que faire ?
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’attaque à un premier problème : le statut. Certes il s’y attaque à la marge, mais ce n’est pas la faute des auteurs du texte.
Revenons en décembre 2021. Le groupe socialiste de l’Assemblée nationale dépose un texte prévoyant le recrutement des AESH en CDI – avec un coefficient de pondération de 1,2 pour reconnaître le temps de préparation. Pour les AED, il était prévu une possibilité de recrutement en CDI avec l’obligation de les recruter en CDI au bout de 6 ans, ainsi qu’un taux d’encadrement minimal. Pour les AESH et AED, il était enfin prévu l’accès aux primes REP et REP+.
Le texte qui nous arrive aujourd’hui a été largement vidé de sa substance après son passage à l’Assemblée, la faute à une majorité présidentielle – bien majoritaire à l’époque – et qui trouvait que le texte allait trop loin.
Le texte d’aujourd’hui prévoit seulement que les AESH peuvent être recrutés en CDI dès la fin de leur premier contrat de trois ans et que les AED peuvent être recrutés en CDI au bout de 6 ans. Toutes les dispositions relatives à l’encadrement et à la pondération sont supprimées. Comble de l’ironie, concernant les AED, l’article ne change STRICTEMENT RIEN à la législation actuelle. On en vient simplement à espérer une confirmation du droit actuel par le ministre en séance. Drôle de façon de légiférer, ou plutôt de ne pas légiférer.
Alors oui le groupe écologiste votera ce texte, car nous prenons chaque pas en avant, chaque avancée si infime soit-elle pour améliorer le sort des personnels de l’éducation. Mais nous regrettons très vivement les manœuvres politiques qui ont été menées pour vider ce texte, aussi bien du côté du Gouvernement que du groupe présidentiel à l’Assemblée.
Il y a quasiment consensus pour constater les impasses de la politique d’inclusion actuelle, il serait temps de la remettre à plat.
Je vous remercie.