Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024

Madame/Monsieur la/le Président-e
Mesdames Monsieur les rapporteurs
Madame la ministre,
Mes chers collègues,

En préambule, je tiens tout d’abord à vous remercier, Madame la ministre, pour votre esprit d’écoute et de dialogue dont vous faites preuve face à la représentation nationale, non seulement dans l’examen de ce texte, mais aussi pour vos interventions en hémicycle. Je sais que cette introduction a de quoi surprendre alors que nous examinons une motion tendant à rejeter votre texte, mais si nous avons de profonds désaccords sur le fond du texte – j’aurai l’occasion d’y revenir – j’ai particulièrement apprécié l’entretien que vous nous avez accordé afin justement de cerner et expliquer ces désaccords. Voilà une méthode dont plusieurs de vos collègues ministres feraient bien de s’inspirer.

Ceci étant dit, penchons nous sur le texte que nous examinons aujourd’hui. Il s’agit du troisième texte en 4 ans concernant l’organisation des Jeux. Après un premier en 2018 relatif à la sécurité, l’aménagement du territoire et la publicité, puis un deuxième en 2019 traitant des mêmes sujets, voilà que nous examinons un troisième texte, qui lui aussi parle de sécurité, aménagement et publicité, en plus de dispositions diverses relatives à la justice, à la santé ou au droit du travail. Comme les précédents, ce texte n’a pas grand chose à voir avec le sport, avec l’olympisme, mais plus avec le mercantilisme et un nouveau tour de vis sécuritaire.

Avouons-le, cela commence à faire beaucoup. Tous ces textes ont été votés sous la présidence d’Emmanuel Macron, il n’y a donc pas de changement d’orientation politique particulier qui puisse justifier d’un tel déferlement législatif.

Alors, qu’est ce qui change dans ce texte par rapport à tous les autres ? Une chose très simple : il ne concerne pas les Jeux Olympiques. Ou alors de manière très limitée. Il s’agit d’un cheval de troie visant à l’expérimentation de mesures que le Gouvernement souhaiterait voir se pérenniser.

S’agissant tout d’abord de la sécurité, la mesure la plus importante est dans l’article 7, relatif aux algorithmes de traitement des images de vidéosurveillance. En un mot : avoir recours à l’intelligence artificielle pour analyser des comportements potentiellement à risque dans une foule. Disons-le tout net, cet article est dangereux et nous avons une opposition de principe à ces dispositifs.

Même si le Gouvernement a pris soin de borner son dispositif, même si l’on nous répète qu’il n’est pas question d’avoir de reconnaissance faciale, même si la CNIL est sollicitée pour évaluer le dispositif, il s’agit, ici de permettre à un algorithme de collecter des données individuelles – donc sensibles – de les stocker, de les analyser, pour en tirer une aide à la décision.

Nous pensons que cet article ouvre grand la boîte de Pandore, de manière totalement injustifiée. On nous a souvent répété que ces IA auraient pu aider dans le cas de drames comme celui ayant eu lieu à Séoul durant Halloween, ou encore durant les incidents lors de la finale de la Ligue des Champions au Stade de France. Or, dans le cas de Séoul, la Corée du Sud est un état qui déploie déjà massivement ces algorithmes, sans que cela n’ait rien pu empêcher. Et pour le Stade de France, disons -le clairement, le problème n’était absolument pas technologique, mais humain : on parle ici d’une méthode de maintien de l’ordre dépassée, répressive, inefficace et qui a ridiculisé la France aux yeux du monde. Depuis des décennies, nous savons gérer des événements de plusieurs dizaines ou centaines milliers de personnes sans l’aide de l’IA.

Si le problème – comme nous le soupçonnons – est lié à un manque de moyens humains policiers, alors il vaut mieux rendre la profession plus attractive et retisser le lien police/nation plutôt que de s’élancer dans l’abîme techno-sécuritaire.

Viennent ensuite les articles relatifs aux sanctions en cas de perturbation d’une compétition. Nous trouvons que ceux-ci sont absolument injustifiés. Là encore, il s’agit de renforcer des sanctions, sans prendre en compte la nature particulière des Jeux. Car disons le clairement, l’olympisme n’a pas de problème particulier de hooliganisme, chacun pourra le constater.

L’objectif caché – et là encore nous le percevons clairement – est de viser les activistes écologistes qui seraient tentés d’utiliser les JO comme tribune pour leurs revendications. Mais rappelons-le, quoi qu’en dise la communication agressive du Gouvernement à leur sujet, ces militants sont pacifiques, ils l’ont toujours été. Leurs actions sont limitées dans le temps et ne perturbent jamais longtemps les compétitions. Dès lors, prévoir des peines de prison, et des amendes toujours plus fortes, ne nous semble pas particulièrement justifié.

Concernant les interdictions judiciaire de stade, là, on touche au summum du ridicule. Prenons un exemple concret : un militant disons de Dernière rénovation qui viendrait déployer une banderole lors d’une compétition d’équitation. L’interdiction judiciaire de stade l’oblige à se rendre au commissariat à chaque manifestation du même genre, mais de quoi parle-t-on ? Va-t-il devoir pointer lors de toutes les épreuves d’équitation ? à toutes les épreuves des JO ? Aux épreuves des disciplines dans lesquelles il possède une licence ? Personne n’arrive à comprendre l’objet de cette mesure ridicule et inutilement répressive.

C’est ensuite le tour de la publicité. Je sais bien que les contrats de ville-hôte avec le CIO obligent la France à s’adapter, mais c’était l’objet déjà de la loi de 2018. Là, nous allons encore autoriser des enseignes, des panneaux, des affichages en tout genre qui vont dénaturer encore plus nos villes et les valeurs de l’olympisme. Nous ne pouvons plus accepter davantage d’injonctions ineptes à la consommation, surtout venant de la part de sponsors qui se fichent éperdument de la crise climatique et de ses conséquences. Là encore, nous avons une opposition forte, de principe, avec ces dispositions.

Vient enfin le dernier gros point noir du texte, sur le travail du dimanche. Par souci de permettre aux spectateurs, aux participants et aux travailleurs des Jeux de pouvoir consommer, il nous est proposé d’acter encore davantage des reculs sur le repos dominical pourtant nécessaire à chaque travailleur. Je tiens encore ici à souligner le caractère inutile de la mesure : A Paris par exemple, le maire dispose déjà du pouvoir de désigner 12 dimanches travaillés sur l’année. C’est largement suffisant et il n’y a pas besoin d’aller plus loin.

Concernant l’ensemble du texte, madame la Ministre, j’ai employé tout à l’heure l’expression « boîte de Pandore” et celle-ci n’est malheureusement pas exagérée. Nous venons d’en avoir un exemple lors de l’examen en commission. Nos collègues de la droite sénatoriale, trop heureux de voir s’ouvrir toutes ces possibilités autoritaires, se sont empressés de déposer – et parfois de faire adopter – des amendements allant jusqu’au bout de la logique que vous esquissez dans ce texte.

Codification des mesures les plus dangereuses sur les tests génétiques, remise en cause du droit de grève dans les transports, port d’arme, contrôles biométriques, fichage toujours plus accru. Madame la ministre, vous avez ici sous vos yeux dans ce texte l’expression des dangers sur lesquels nous tentons de vous alerter.

Enfin, je le disais en introduction, nous considérons que le lien avec les jeux olympiques est ténu puisque plusieurs mesures dépassent largement ce cadre. Je vais vous donner quelques exemples :
– Tests génétiques pour les sportifs : jusqu’en juin 2025
– Traitement algorithmique de la vidéo-surveillance : juin 2025
– Scanners millimétriques : pérennisé
– Sanctions pour la perturbation des compétitions et interdictions de stade : pérennisées
– Travail du dimanche : presque un mois après la fin des jeux

Voilà l’objet de nos craintes, voilà notre opposition à ce texte.

Nous n’acceptons pas que les valeurs de l’olympisme soient ainsi dévoyées à visée politique. Le Président de la République nous a dit “il ne faut pas politiser le sport”, c’est pourtant précisément ce à quoi ce texte s’emploie. Il utilise les Jeux Olympique comme prétexte pour dérouler une politique dont nous ne voulons pas et dont le pays n’a pas besoin.

C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons de rejeter ce texte.

Je vous remercie

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