Projet de loi de programmation des finances publiques 2024 – Nouvelle lecture

Madame/Monsieur le/la Président-e,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Rapporteur général,
Mes chers collègues,

Prévoir et construire les trajectoires budgétaires de notre pays pour les années qui viennent, est un exercice démocratique important. Pourtant, la lecture de ce texte, qui achève ici sa navette parlementaire, nous donne peu d’espoir sur l’avenir de notre pays. 

Que ce soit pour le gouvernement ou pour la majorité sénatoriale, ce texte est l’illustration d’un double déni qui fragilise l’avenir de notre pays.

Il y a dans ce texte un affaiblissement profond de la parole de la France. La France, qui a su montrer la voie avec les accords de Paris, renie désormais sa parole quand il faut la mettre en actes. Pire, alors qu’elle a pris des nouveaux engagements climatiques européens, avec l’ambition de réduire d’ici à 2030, de 55% ses émissions de gaz à effet de serre, elle oublie ici qu’elle doit provisionner les investissements publics nécessaires à leur réalisation. 

Pourtant la marche est haute. Le mur d’investissement public ET privé pour atteindre nos objectifs est colossal. Et on le sait aussi : plus nous attendons pour agir, plus ce montant grimpera. Et s’il y a une dette qu’on ne remboursera pas : c’est la dette climatique. Nous aurions dû voir apparaître ici la trajectoire financière qui en découle, ce n’est pas le cas, c’est symptomatique. 

Symptomatique de la dissonance française sur la question : d’un côté un secrétariat général à la planification qui construit un scénario précis de décarbonation. Secteur par secteur. De l’autre une programmation des finances publiques, qui regarde l’avenir avec les seules lunettes comptables et ignore la réalité des besoins. 

D’un côté un ministre de l’écologie qui plaide pour l’adaptation de la France à une trajectoire à +4°, et de l’autre un ministre des comptes publics qui n’intègre pas cette impérieuse nécessité d’adaptation dans sa trajectoire budgétaire. 

En refusant d’agir, ce sont les générations futures que nous condamnons par notre inaction.

Nous avons besoin d’une programmation pluriannuelle des financements de la transition écologique, afin de réellement planifier, de sécuriser les moyens nécessaires aux transformations profondes de notre société et d’offrir des perspectives claires à notre économie.

Si l’on parle d’écologie, alors il faut aussi parler des acteurs majeurs de sa mise en œuvre : les collectivités territoriales. L’attitude de l’Etat à leur égard les inquiète. Si la crise, notamment énergétique, les frappe durement, il en est de même pour la suppression de leurs leviers fiscaux comme la CVAE ou le corsetage de leurs dépenses de fonctionnement prévues par le présent texte. 

Ecologie, collectivités, mais aussi santé, avec une contrainte extrêmement forte sur l’ONDAM : c’est tout le champ du bien public qui est contraint, limité, restreint par une vision idéologique des finances publiques partagée entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale. 

A ceci prêt que la majorité sénatoriale a rajouté un coup de rabot budgétaire supplémentaire à ce texte. Et pas des moindre : un objectif de réduction des emplois de 5% en équivalent temps plein. 

Oui, au moment où nous avons tant besoin d’une République en actes, dont les agents publics doivent se sentir soutenus, la droite sénatoriale propose un plan social d’ampleur chez celles et ceux qui la font vivre. Dans le contexte actuel, c’est assurément un désarmement de notre République auquel nous ne pouvons adhérer.

Pour autant la situation n’est pas inextricable. Les ressources potentielles sont là, elles existent: de nouvelles contributions que l’on pourrait mettre en oeuvre sur le patrimoine des plus riches ou sur les profits énormes des grandes entreprises – souvent polluantes – qui ont honteusement profité de la crise ; une extinction totale des niches fiscales anti-écologiques, fléchées vers des mesures de soutien pour les actifs, pour les ménages, pour les plus fragiles ; 

Voilà quelques pistes concrètes. Les besoins mais aussi les leviers, comme les sources de financement sont connus de tous. Et pourtant, texte après texte, budget après budget, la même déception, le même constat d’échec : la transition n’est toujours pas au rendez-vous et le service public est de plus en plus affaibli. Le double déni toujours présent. 

C’est pourquoi, comme en première lecture, nous ne voterons pas ce projet de loi de programmation des finances publiques.

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