Explication de vote – Projet de Loi de Finances 2025

Monsieur le Président,
Monsieur/Madame le/la Ministre,
Monsieur le Rapporteur général,
Monsieur le Président de la commission des finances,
Mes chers collègues,

L’année 2025 est donc une année d’héritage. D’abord, celui des jeux olympiques et paralympiques, dont nous avons pu voir ici à quelle vitesse vous avez voulu le brader, en témoigne le budget du sport et la mobilisation du monde sportif contre vos choix. 

Mais surtout, et c’est ce qui nous occupe depuis des mois, l’héritage d’une politique économique, l’héritage d’une doctrine, l’héritage de 7 ans de choix budgétaires de désarmement fiscal, de dépouillement de nos comptes publics, d’une flambée rarement atteinte de notre dette. 

Oui, la situation budgétaire de la France est catastrophique. Mais cette catastrophe n’a rien de naturelle. C’est le bilan d’un certain nombre de vos choix᠎,  une politique qui a favorisé les baisses d’impôts et les cadeaux fiscaux pour les plus fortunés, sans que les retombées économiques promises ne se concrétisent. Ces choix ont été financés à crédit et nos comptes ont plongé dans le rouge.

Au chaos de nos comptes publics s’est ajouté le chaos politique. Le budget sur lequel nous allons nous exprimer aujourd’hui est un budget digne de Frankenstein. Un budget sur lequel pas moins de trois ministres de l’économie successifs se sont penchés, un budget qui échappe à ses créateurs et dont plus personne ne sait qui en porte la réelle responsabilité politique. Chacun tentant de faire oublier les causes réelles de la situation. 

Nous avons commencé nos débats à l’automne avec un gouvernement nous expliquant qu’il n’avait eu que 15 jours pour produire sa copie. Le président de la République, plongé dans une forme de dilettantisme olympique, a fait le choix de prendre son temps – 60 jours exactement – pour nommer un premier ministre. 

Un budget réalisé donc à la hâte par Michel Barnier s’appuyant sur des prévisions de croissance et de recettes fiscales irréalistes, actant déjà un recul massif pour l’Etat et les collectivités dans la conduite de leurs politiques publiques. 

Lors de nos débats ici au Sénat, nous avions fait progresser la copie. Ce n’était toujours pas au niveau de justice fiscale dont notre pays a besoin, mais tout de même, le débat sénatorial avait produit du consensus sur un certain nombre de nouvelles recettes. 

Pourtant, à trois jours de sa censure, le gouvernement Barnier a imposé à la majorité sénatoriale – bien docile – 27 nouvelles délibérations. Exit tax, hausse de la taxation des dividendes, modification de l’IFI, taxation des GAFAM, taxe sur les transactions financières : vous aviez mal voté chers collègues, Bercy vous a rappelé à l’ordre. Privant toujours plus l’État de ressources. 

La méthode Barnier, c’est aussi un choix : celui de se mettre dans la main exclusive du Rassemblement National pour ses négociations budgétaires. Un choix irresponsable, qui a abouti à sa censure.

Malgré cette censure, malgré ce revers démocratique flagrant, le troisième de l’année pour la ligne politique présidentielle, le budget est repris par François Bayrou tel quel. Tel que voté, ou plutôt RE-voté par le Sénat. Sans ressource fiscale supplémentaire.

Se sont ouvertes, tout de même, un certain nombre de négociations à Bercy. Négociations auxquelles, dans un esprit de responsabilité, ont participé les écologistes. Nous y sommes allés sans lignes rouges mais avec un certain nombre d’alertes. Bien rouges elles. Notre avertissement général était qu’en matière de transition écologique, le stop and go, les signaux contradictoires sont délétères et cassent toute ambition. 

Force a été de constater, que la trajectoire budgétaire a primé sur notre trajectoire climatique.

Devant le blocage et le dogmatisme de Bercy, confinant au déni climatique, et suite à une déclaration de politique générale faisant l’impasse sur ce défi du siècle, les députés écologistes n’ont eu d’autre choix que de voter une première censure. 

Les débats ont pu reprendre ici. Privé de justice fiscale, privé de nouvelles recettes, le gouvernement a choisi de brutaliser un peu plus le débat parlementaire. 

Des amendements de dernières minutes ont fleuri sur toutes les missions budgétaires. Tombant dans la nuit, ou dans la matinée avant la séance. Rabottant de plusieurs centaines de millions des budgets essentiels avec pour seuls arguments, une trajectoire budgétaire à tenir, une censure à payer. 

Le niveau 0 du pilotage de l’action de l’Etat. Le niveau 0 du débat parlementaire. Le niveau 0 de la responsabilité politique. 

Au total, une réduction de près de 6 milliards du budget de l’Etat 

Nous l’avons beaucoup utilisé ces derniers jours dans l’hémicycle, chers collègues, mais le terme rabot est en fait impropre. Les coupes budgétaires n’ont pas touché tous les budgets de manière lisse et homogène. Des choix ont été faits. Certains budgets ont été préservés. D’autres ont été amputés très gravement. Derrière l’apparence du rabot, vous avez en fait passé certains budgets à la tronçonneuse. 

Des lois de programmation ont été préservées : défense, justice, intérieur. D’autres ont été sacrifiées, aide au développement ou recherche. La copie finale que nous étudions aujourd’hui fait donc un choix, celui de sacrifier l’avenir. 

A la lecture de ce budget tel qu’il arrive à son terme au Sénat, force est de constater que le déni climatique n’est pas l’apanage exclusif du président des Etats Unis. Il frappe désormais les deux rives de l’Atlantique.

En dépouillant le budget de la diplomatie climatique – 35% de budget pour l’aide publique au développement, 

en ruinant nos capacités de recherche -630 millions pour la recherche et nos universités, 

en mettant un coup de frein de 500 millions à l’innovation du plan France 2030, 

et évidemment en ponctionnant d’1 milliard 3 sur l’écologie, 

nous faisons le constat que la France est en train de ruiner 10 ans d’engagements climatiques. 

De façon moins tapageuse que le nouveau président américain, par la petite porte budgétaire, vous êtes en train de faire sortir la France de l’Accord de Paris, 10 ans après l’avoir porté. 

Pourtant, le dérèglement climatique frappe fort. Entre deux gouvernements, cet hiver, un département français, Mayotte, a été rasé par un cyclone qui, comme d’autres catastrophes naturelles récentes, a mis en lumière à la fois les impacts climatiques dévastateurs de nos émissions, mais aussi la vulnérabilité de nos territoires. 

La Cour des comptes dans son rapport annuel de 2024 a décrit de manière méthodique l’extrême vulnérabilité de notre pays aux aléas climatiques extrêmes qui vont se multiplier. 

Les besoins d’investissements sont bien réels, vous faites le choix du déni. Même le budget alloué à la sécurité civile diminue de plus de 50 millions d’euros. 

Nous sommes ici, aujourd’hui, les témoins de l’absence totale de vision stratégique face aux défis de notre époque. En désarmant fiscalement l’Etat, vous nous exposez au pire. 

La transition écologique n’est pas un luxe dont nous pourrions nous passer quelques années avant d’y revenir. Elle nécessite des engagements pérennes dans le temps pour que chacun y voit un destin commun. 

Quand les zones à faibles émissions, outils nécessaires pour la qualité de l’air, montent en puissance, vous décidez de sabrer massivement dans les aides au changement de véhicules, dans le soutien aux investissements pour les transports collectifs et dans le plan vélo. 

La cohésion des territoires est fragilisée, vous aggravez les fractures sociales et territoriales. Tout ceci va mal finir. 

Ce matin, monsieur le ministre de l’économie, dans les Echos, vous assumez de rester droit dans vos bottes. En réalité vous restez droit dans les bottes présidentielles. Celles qui nous ont conduit dans l’impasse budgétaire. Celles qui nous font courir dans le mur climatique. Celles d’une politique qui a été désavouée à de multiples reprises dans les urnes. 

Nous refusons cette marche forcée vers l’abîme. 

Nous voterons contre ce budget. 

Je vous remercie.

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