Accélérer le redressement des finances publiques

Madame, Monsieur la/le Président-e,
Messieurs les Rapporteurs,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

Nous débattons aujourd’hui d’une proposition de loi, présentée par notre collègue Vanina Paoli-Gagin, visant à instaurer, via la Constitution, un cadre plus strict dans nos débats budgétaires, à travers des lois-cadres financières pluriannuelles. 

Cette initiative, inspirée de la tentative de réforme constitutionnelle de 2011, cherche à ancrer dans notre Constitution des plafonds de dépenses pour contraindre notre approche des finances publiques dans l’espoir d’éviter les dérapages ou les sorties de routes.

La préoccupation majeure de cette proposition de loi peut être partagée sur tous les bancs, notamment dans le contexte actuel : les finances publiques de la France connaissent une détérioration phénoménale et il est essentiel d’en garantir la viabilité. 

Mais cet état est-il le fruit d’un cadre législatif trop laxiste ? Nous ne le pensons pas, nous pensons qu’il est le résultat de choix politiques, de choix politiques assumés et ces dernières années, souvent imposés au parlement via l’usage de l’article 49 alinéa 3 de la constitution. 

La méthode proposée aujourd’hui, sans garantie de redressement vertueux, pourrait en revanche entraîner des effets de bord délétères, à la fois du point de vue budgétaire mais aussi démocratique. 

Ce texte porte en lui la réduction de la capacité de l’État à répondre aux défis sociaux, économiques et environnementaux.

Cette nouvelle rigidité dans l’élaboration budgétaire pourrait s’avérer nuisible démocratiquement pour notre politique économique. Si la pluriannualité budgétaire est un cadre sécurisant et qui doit être promu, notamment dans le respect des lois de programmation, elle doit aussi permettre une certaine flexibilité, notamment en cas de crise. 

En 2020, face à la pandémie de Covid-19, la France a déployé des moyens financiers massifs pour protéger l’économie et les citoyens, montrant ainsi la nécessité de pouvoir intervenir rapidement et sans entrave excessive. 

La règle pluriannuelle stricte prévue par ce texte, malgré ce qu’affirme à tort l’exposé des motifs, aveugle aux circonstances, interdit des écarts budgétaires trop importants puisque ceux-ci devront être obligatoirement rattrapés dans un rythme peu soutenable.

De plus, et c’est à notre sens le plus grave, cette proposition de loi ne fait aucune distinction entre les dépenses courantes et les dépenses d’investissement. Cela revient à confondre des dépenses essentielles, comme celles liées à la transition écologique, avec des dépenses plus conjoncturelles. 

Dans le cadre de réflexion proposé par ce texte, nous aurions préféré une réflexion pour intégrer une « règle verte » dans les calculs de déficit public, ce qui exclurait les dépenses d’investissements écologiques de ces restrictions. Cela permettrait de poursuivre un objectif de soutenabilité des finances publiques sans renoncer à notre engagement écologique. Notre avenir vital est en jeu.

Rigidifier les règles d’équilibre budgétaire pourrait entraîner un affaiblissement de la souveraineté démocratique. Nous vivons déjà depuis 2022 un appauvrissement du débat budgétaire via l’usage immodéré du 49.3 et un corset constitutionnel sur le temps dévolu à l’étude du budget qui nous fait parfois conduire au pas de charge des débats pourtant cruciaux pour le quotidien de français et l’avenir du pays. Resserrer le cadre constitutionnel autour de la politique budgétaire en rigidifiant des impératifs comptables dévitaliserait totalement notre débat parlementaire.

Cette nouvelle rigidité budgétaire proposée ancre dans la Constitution une règle d’Or, qui s’imposerait de facto à toutes nos politiques. Une telle révolution copernicienne n’est pas au sommet des préoccupations de nos concitoyens, contrairement à l’affaissement généralisé des services publics ou les besoins de base comme se loger, se nourrir dignement, vivre en sécurité et dans un environnement sain. 

Bien que cette proposition parte d’un constat que tout le monde ici partage, celui de la dégradation continue de nos comptes publics, rappelons que les baisses d’impots ou les exonérations de cotisations ont été largement votées sur les bancs de la majorité sénatoriale. La dégradation des finances publiques est le fruit de choix politiques dont certains ont été soutenus ici. 

Ne nous dédouanons donc pas de nos propres responsabilités : imposer des contraintes dans le cadre de nos discussions budgétaires entravera notre capacité collective à répondre aux enjeux de notre temps et pose de sérieux risques démocratiques que nous ne pouvons accepter, sans garantir le moindre redressement financier.

C’est pourquoi notre groupe votera contre ce texte. Je vous remercie.

Tags: