On étudie un texte dont nous avions envie de saluer l’ambition initiale, mais dont le sénat a profondément restreint l’efficacité. L’article 1er, qui en constitue la pierre angulaire, a été significativement affaibli en commission. Si le texte est adopté avec cet article vidé de sa substance, alors il n’aura aucun impact. Et je vous mets au défi, dans un an, de mesurer l’impact sur la part de marché de Shein, je vous le dis, je vous l’assure aujourd’hui : elle aura progressé.
Une définition de la mode éphémère devenue plus floue et surtout l’exclusion des marketplaces, alors que les géants du secteur, comme Shein ou Temu, peuvent aisément se restructurer pour y échapper. Vous avez rendu cette loi inopérante. En voulant protéger la fast fashion européenne, vous cassez toute régulation sérieuse.
Alors on pourrait s’en remettre à l’Union européenne. Avec la directive CS3D Directive sur le devoir de vigilance des entreprises, l’Europe cherche à imposer aux grandes entreprises un devoir de vigilance élargi, exigeant qu’elles identifient, préviennent et réparent les atteintes aux droits humains et à l’environnement sur l’ensemble de leur chaîne de valeur, en amont comme en aval.
Avec des mécanismes contraignants, assortis de sanctions allant jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires mondial, la directive engage la responsabilité civile des entreprises, y compris celles basées hors de l’UE réalisant plus de 450 millions d’euros de chiffre d’affaires en Europe. Shein et Temu seraient donc bien concernées.
Mais lors du sommet « Choose France », le président de la République a remis en cause la directive CS3D, appelant à son report. Douze ans après le drame du Rana Plaza. Douze ans après que des centaines d’ouvrières sont mortes dans l’effondrement d’un atelier textile, sous traitant d’entreprises françaises. Ou encore dans un contexte récent où des révélations ont démontré que Decathlon fait ses maxi profits – 1 milliard de dividendes l’an dernier – sur l’exploitation du travail forcé des Ouïghours.
Alors au moment où on cherche à réguler cette filière prédatrice et destructrice :
je profite de l’étude de ce texte pour questionner le gouvernement : de quel côté se place la France ? Celui de l’exploitation sans limite des ressources et des travailleurs ? Ou celui d’une régulation urgente, juste, et à la hauteur des enjeux sociaux et climatiques du siècle ?