Restitution des restes humains appartenant aux collections publiques

Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteure,
Mes chers collègues,

Je vais commencer évidemment par saluer le travail constant de notre rapporteure Catherine Morin Dessailly, et par féliciter les coauteurs du texte Max Brisson et Pierre Ouzoulias pour leur travail. 

Ce texte est une loi de justice, de progrès et de dignité.

Les restes humains ont une place particulière dans nos collections publiques et à raison. Le corps humain est-il un bien culturel ? L’inaliénabilité de nos collections doit-elle être un obstacle au respect de la dignité dûe à chaque être humain, même après la mort ?

La place de ces restes humain dans nos musées est souvent la conséquence de périodes sombres de notre histoire, de la colonisation, de l’esclavage et du mépris des corps des hommes et des femmes qui va avec.

Tout le monde a en tête la terrible histoire de Sarah Baartmann, dite la “Vénus Hottentote” selon les quolibets de l’époque. Née dans l’actuelle Afrique du Sud à la fin du XVIIIème siècle, repérée par des colons anglais en raison de sa morphologie particulière, elle a été exposée dans des cabarets anglais et français, soumise à des spectacles grotesques, humiliée, violée et asservie jusqu’à la fin de ses jours – et même au-delà. 

En effet, de 1817 à 1974 son squelette a été exposé successivement au Jardin des Plantes, au Trocadéro et au musée de l’Homme. L’Afrique du Sud, dès la fin de l’Apartheid a demandé solennellement le retour de sa dépouille. Ce n’est qu’en 2002 que la France a enfin accédé à sa demande et que Sarah Bartman a pu enfin être inhumée dignement, sur la terre de ses ancêtres, 200 ans après y avoir été arrachée. 

Cette affaire terrible a fait bouger les lignes et le regard que nous portons sur notre histoire. 

Aujourd’hui nous sommes dans un vaste mouvement compréhensible de demandes de restitutions de bien culturels lié à cette histoire.

Un mouvement compréhensible je l’ai dit, mais qui comporte des risques d’inflation législative non désirée. En effet, chaque sortie de ces collections doit être prévue par la loi. 

Nous partageons donc le besoin d’un cadre clair et transparent pour les restitutions. Ce texte constitue en la matière une première étape salutaire, le respect de la dignité des personnes étant au cœur de la démarche.

Ce n’est pas la première fois que le Sénat témoigne de sa prise de conscience du sujet. Ainsi, la proposition de loi relative à la circulation et au retour des biens culturels appartenant aux collections publiques, déposés par nos collègues auteurs du texte que nous examinons aujourd’hui, s’y attaquait déjà. 

Le texte prévoyait un Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extra-européens ainsi qu’une procédure pour agir en nullité de vente, donation, ou legs de corps humains.

La navette de ce précédent texte s’est interrompue, puisque le Gouvernement a annoncé vouloir se saisir de la question des restitutions de biens avec un projet de loi dédié. 

Reste toujours la question des restes humains, et cette PPL a pour ambition de traiter le sujet sans avoir besoin de texte législatif ultérieur au cas par cas.

Pour ce faire, il est prévu la possibilité de sortie de corps humains des collections publiques, après décret pris en Conseil d’Etat et après un rapport du ministère de la Culture et du ministère de tutelle de l’établissement où le corps reposait. 

La restitution ne pourra avoir lieu qu’auprès d’un Etat, qui en aura fait la demande, pour un corps datant de moins de 500 ans et uniquement dans un but funéraire. Il est également prévu un comité scientifique chargé de lever les doutes en cas de problème sur l’identification des corps, ainsi qu’un rapport annuel au Parlement sur les restitutions.

Avec ce texte, il nous est donc proposé une solution humaine, efficace, transparente et respectueuse à la fois des États demandeurs et des principes de nos collections. 

Nous voterons pour ce texte.

Tags: