Pour une école de la liberté, de l’égalité des chances et de la laïcité

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,

Je voudrais tout d’abord remercier le groupe Les Républicains d’avoir inscrit à l’ordre du jour cette proposition de loi qui porte sur une institution républicaine capitale pour le vivre ensemble.

On le sait, l’école est un sujet de clivages politiques importants. Et ce texte a le mérite de proposer très clairement une autre vision inspirée de la réforme opérée en 2010 au Royaume-Uni. Évidemment, le consensus sera difficile à trouver !

Si nous pouvons rejoindre une partie des constats justifiant cette initiative parlementaire, nous souhaitons nuancer le regard critique porté sur la performance globale, je cite, « médiocre » du système éducatif français.

Il faut tout de suite rappeler en effet que les « évaluations internationales » auxquelles il est fait référence ne portent pas sur l’intégralité des missions dévolues à l’école. On les retrouve énumérées à l’article 4 de votre proposition. J’en cite quelques-uns seulement : l’apprentissage d’un socle commun de connaissance, de la protection de l’environnement (enfin !), intégration des élèves en situation de handicap, de la lutte contre les discriminations prévention de la radicalisation, de la laïcité, de la laïcité encore de la laïcité…

On le voit bien, depuis sa fondation l’École de la République est devenue le rempart à tous les maux de la société. Et les enseignants, sont la ligne de front, destinés à affronter toutes les crises. Et ce, dans les conditions de travail que l’on connait…

Je rappelle ainsi qu’en 2020, les élèves sont en moyenne 18,4 par enseignant dans l’enseignement primaire en France contre 13,6 dans l’ensemble de l’Union européenne.

En remettant en perspective les résultats des enquêtes de comparaison internationale avec l’ensemble de ces missions, et avec les moyens alloués, on peut considérer que l’on ne s’en tire finalement pas si mal.

Pendant des décennies le métier d’enseignant s’est complexifié, sans revalorisation substantielle de rémunération pour ceux qui l’exercent mais aussi de reconnaissance.

Monsieur le Ministre, certaines des déclarations que vous avez faites devant l’Assemblée nationale coïncident avec les propositions de nos collègues Les Républicains. Annualisation, renforcement du rôle des directeurs d’école, ruralité : on y retrouve toute la trame de la proposition de loi. S’agit-il d’une initiative partagée, ou un test pour le ministre de l’Éducation nationale ?

Après les années Blanquer, il me semble absolument prioritaire de restaurer la confiance des enseignants dans l’institution, qui, celle-ci, est peu documentée. La dépression figure parmi les premières maladies professionnelles des enseignants.

Nous proposions pour cela de créer une communauté enseignante plus unie du primaire au secondaire, en y associant les AESH. Il faut selon nous multiplier les trajectoires de carrières et améliorer les perspectives professionnelles des personnels de l’Éducation nationale les moins bien traités. Nous souhaitions également discuter de la possibilité d’un système de tutorat qui permette aux enseignants de tous niveaux et de toutes fonctions d’obtenir un soutien bienveillant tout au long de leur carrière.

Après la censure de l’article 40, pour des amendements gagés, il ne reste rien de nos propositions et nous ne pouvons que nous opposer à la création des écoles supérieures du professorat des écoles.
Je reste donc très opposée au système d’autonomie des écoles prévu aux articles 1,2 et 3 de la proposition de loi, et au système de contractualisation. Qui y a-t-il d’autre à inscrire dans ces contrats que le contrat républicain de donner à chaque enfant une égale chance d’épanouissement intellectuel ?

La question de la mixité sociale est insuffisamment traitée. Et l’existence de difficultés rurales ne sont pas avérées selon les syndicats enseignants : Je rappelle que dans le secondaire les REP+ concentrent les populations les plus défavorisées avec plus de 9 collèges REP+ sur 10 qui accueillent au moins 60 % d’élèves d’origine sociale défavorisée. Ce sujet nécessiterait un véhicule législatif à part entière.

Enfin, après l’assassinat de Samuel Paty, il nous semble essentiel de préserver la vie scolaire en ne réactivant pas incessamment les polémiques autour du principe de laïcité : nous proposerons la suppression des articles 10 et 11.

A l’heure ou le ministère n’est pas en mesure de garantir les remplacements, d’assurer des recrutements ni de formation continue de qualité qui réponde au besoin des personnels. Quel est le sens d’un tel projet ?

En conclusion cette proposition de loi menace le faible équilibre de l’éducation nationale, accélèrerait la privatisation, aurait un coût considérable à la charge des familles. Elle creuserait les inégalités entre établissements. Parce que nous souhaitons une école coopérative et citoyenne, un service public juste et accueillant pour toutes et tous, nous ne voterons pas cette proposition de loi.

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