Croissance de la dette publique de la France

Madame/Monsieur la/le Président-e

Monsieur le Ministre,

Mes chers collègues,

Le premier octobre, le Premier Ministre a identifié ainsi la priorité absolue de son nouveau Gouvernement lors de son discours de politique générale :  “la réduction de notre double dette, budgétaire et écologique”. Nous rejoignons le Premier ministre : il y a en effet urgence.

Concernant la dette budgétaire tout d’abord. Celle-ci s’établit au deuxième trimestre 2024 selon l’INSEE à 3228 milliards d’euros, soit 112% du PIB, avec un déficit public annoncé de 5,1% puis de 5,6% et qui pourrait finalement dépasser les 6% selon le Trésor…

Ce dont nous discutons ici, c’est surtout du bilan d’une vision, d’une idéologie, d’un homme qui l’a incarnée pendant 7 ans : Monsieur Bruno Le Maire mais aussi ses complices les ministres des comptes publics. Prenons messieurs Darmanin et Attal entre autres, qui aujourd’hui redoublent d’inventivité antisociale pour trouver une solution au problème qu’ils ont largement créé.

En quittant Bercy, le précédent ministre de l’Economie et des Finances et ses équipes nous ont laissé un bilan incomparable : 1000 milliards d’euros de dette supplémentaire depuis 2017.

Alors bien sûr, les soutiens du Président de la République et de l’ancien ministre ne cessent de le rappeler, la période a été marquée par des crises importantes auxquelles il a fallu répondre avec de l’argent public. Et ils ont raison de le rappeler, en partie seulement.

Car, sur les 1000 milliards de dette supplémentaire, selon l’OFCE, la crise Covid et la crise énergétique qui l’a suivie ont généré un accroissement de dette de 458 milliards d’euros, soit moins de la moitié du total. La gabegie vient donc d’ailleurs.

De nombreux cadeaux fiscaux aux entreprises et aux plus aisés, non ciblés, à l’efficacité douteuse financés par la dette, voilà la méthode Le Maire. Quand je parle d’efficacité douteuse, je parle en termes de finances publiques et d’activité économique, car selon un autre indicateur, ces mesures ont été extrêmement efficaces – pour certains – certains seulement.

Entre 2017 et 2023, le patrimoine des 500 plus grandes fortunes françaises a été multiplié par deux, passant de 600 à 1200 milliards d’euros. Notre dette a donc fait quelques heureux.

Tous ces cadeaux financés par notre dette ont eu une conséquence directe, dont nous mesurons aujourd’hui les effets : moins de rentrées fiscales, moins d’argent pour alimenter des services publics qui s’en trouvent dépréciés.

Un cycle vicieux dont nous connaissons la justification idéologique : “starve the beast” ou affamer la bête en bon français. Fragiliser le budget de l’Etat, puis pour compenser, baisser les ressources du service public pour ensuite prouver artificiellement son inefficacité et le livrer en pâture à la prédation du secteur privé. Un classique maintes et maintes fois répété à travers le monde depuis 40 ans.

Nous ne sommes pas dupes, Monsieur le ministre. Si votre Gouvernement a semblé faire le bilan des années Le Maire afin d’éviter les 6% de déficit en proposant quelques timides hausses d’impôt çà et là – nous verrons à ce titre ce que nous réservera la PLF demain – une bonne partie de l’effort va être fait sur le dos des ministères qui préparent l’avenir et les services publics.

En définitive, on change d’équipe, on change un peu de méthode, mais on ne touche pas au fond du programme.

Vient ensuite le deuxième pilier de la dette évoqué par le premier ministre, le plus important, car on parle ici des conditions même de la vie sur Terre : la dette écologique. Il y a bien une dette écologique, c’est-à-dire un bilan de l’activité humaine qui peut être mesuré et quantifié, notamment par le biais des émissions de gaz à effet de serre.

Depuis les débuts de l’ère industrielle, l’humanité a émis plus de 1700 milliards de tonnes de CO2 dans l’atmosphère. 1 032 milliards de tonnes ont été émises par l’Europe et l’Amérique du Nord, soit les deux tiers du total. 39 milliards par la France seule. 

A titre de comparaison, la totalité des pays d’Afrique, représentant aujourd’hui une population d’un milliard d’habitants, en a émis seulement 51 milliards. Les responsabilités ne sont pas les mêmes. Les populations les plus violemment impactées sont les moins responsables. 

Et l’angle climat n’est qu’une facette de la dette écologique, il y en aurait bien d’autres – combien d’espèces vivantes disparues, combien d’habitats dégradés ou détruits et avec eux les services écosystémiques qu’ils rendaient, combien de limites planétaires dépassées chaque année de plus en plus tôt ? Et n’oublions pas que cette dette n’est pas remboursable mais elle se paiera cash en vies détruites, en déplacements forcées, en souffrances multiples. L’urgence absolue est d’éviter l’emballement fatal et le chaos qui suivra.

Face à l’urgence, il nous faut nous – pays occidentaux – agir, investir, aujourd’hui, pour la transition et l’adaptation au changement climatique. France Stratégies réévaluait hier les besoins déjà décrits l’an dernier par le rapport Pisani-Ferry/Mahfouz, passant de 60 milliards d’euros d’investissements nécessaires annuellement à 85 milliards. Public et privé confondus. L’état particulièrement dégradé des finances publiques ne doit pas nous dévier de cet horizon.

Pour cela, au lieu de sabrer dans ces dépenses d’avenir, il faudra trouver des financements, des recettes et accepter de continuer à s’endetter financièrement pour un avenir viable.

Dette budgétaire et dette écologique sont liées mais ne font pas peser la même menace sur notre avenir. Toutefois aujourd’hui, ce sont les deux faces d’un même problème, celui de l’accaparement des ressources, de la prédation des plus aisés. S’y attaquer doit être bénéfique à la fois au climat et à notre avenir, c’est la conviction profonde des écologistes depuis toujours.

Je vous remercie.

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