Réforme du financement de l’audiovisuel public

Madame, Monsieur la/le Président-e,
Monsieur le Rapporteur,
Madame la Ministre,
Mes chers collègues,

La question des médias, de leur indépendance en général, de la liberté d’expression et de création occupe régulièrement nos travaux. La semaine dernière, cela a donné lieu à une confrontation de visions très clivée ici, certains défendant la liberté des milliardaires réactionnaires à mettre main basse sur les canaux de diffusion, soutenant des chaînes privées multi condamnées pour racisme et autres dérapages discriminants.

Aujourd’hui, avec cette proposition de loi organique, nous traitons une question qui doit nous réunir : la défense de l’indépendance et la pérennité du service public de l’audiovisuel en France.

L’enjeu principal est simple : maintenir un financement autonome et juste de notre audiovisuel public. Toutefois cette PPLO arrive après des mois de bricolages, il n’y a pas d’autres mots, du gouvernement pour tenir une promesse non financée du candidat Macron.

Rappelons que la suppression soudaine de la redevance télévision a eu lieu au détour d’un projet de loi de finance rectificative lors de l’été 2022, et que son financement n’était alors pas du tout anticipé. Cette décision a donné naissance un système de financement temporaire et bancal basé sur l’affectation d’une fraction de la TVA.

Or, nous le savions déjà à l’époque des débats budgétaires, ce mécanisme arrive à son terme en décembre 2024. Si à cette date, aucune nouvelle solution n’est trouvée, l’audiovisuel public sera financé directement par le budget général de l’État. Ce que nous voulons absolument éviter.

Cela représente une menace sérieuse pour l’indépendance de ces médias, car un financement dépendant du budget général placerait l’audiovisuel public directement sous la menace des aléas politiques. Cela exposerait ces sociétés aux arbitrages budgétaires, aux réductions de crédits en cours d’année, et les priverait de visibilité pluriannuelle pour leurs investissements.

En d’autres termes, le statu quo pourrait compromettre leur capacité à produire une information indépendante, de qualité, dans un contexte où la concentration des médias privés dans les mains de milliardaires aux objectifs idéologiques assumés et l’essor des plateformes numériques transforment radicalement le paysage médiatique.

Nous avons ici un échantillon chimiquement pur de la politique budgétaire menée depuis 7 ans et son impasse : supprimer des recettes de manière précipitée et non ciblée, affaiblir les services publics au passage et à la fin aggraver la dette de l’Etat. Comme dans beaucoup d’autres domaines, nous sommes contraints de légiférer pour réparer l’amateurisme des précédents gouvernements.

Pour y remédier, et éviter la budgétisation du financement de l’audiovisuel public, plusieurs propositions ont émergé. Parmi celles-ci, la solution de pérenniser le financement via une fraction de la TVA que nous examinons aujourd’hui. La LOLF l’interdisait, nous changeons donc la LOLF.

Disons le d’emblée, nous envisageons cette méthode comme une méthode de repli, car elle est moins pire que la budgétisation. Nous ne ferons pas obstacle à l’adoption de ce texte, mais il faut ici souligner ses limites.

Tout d’abord, la solution de la TVA est injuste sur le plan fiscal, car elle fait peser la charge sur tous les consommateurs, y compris les ménages les plus modestes. Elle reste ensuite soumise aux décisions annuelles du Parlement, ce qui ne garantit ni la stabilité, ni la prévisibilité nécessaire pour planifier des investissements à long terme.

C’est pourquoi notre groupe aurait préféré une approche plus juste et pérenne : nous plaidons pour la mise en place d’une redevance progressive, calculée en fonction des revenus des ménages. Il n’est ainsi pas question de rétablir la contribution à l’audiovisuel public sous son ancienne forme, car nous sommes conscient de ses écueils et du poids financier qu’elle faisait reposer sur les ménages les plus modestes.

Mais en faisant payer les usagers en fonction de leur revenu, ce modèle de contribution permettrait de maintenir un financement stable et adapté aux besoins tout en garantissant que chacun contribue selon ses capacités. Et nous sommes persuadés que ce principe d’équité fiscale doit être remis au cœur du financement de l’audiovisuel public.

Pour assurer la “tuyauterie” budgétaire de ce dispositif, ma collègue Monique de Marco vous proposera l’établissement d’un compte d’affectation spécial, afin de gérer le fléchage de cette nouvelle taxe affectée.

L’indépendance des médias publics est un pilier de notre démocratie. Aujourd’hui, face aux risques d’ingérences politiques, aux fake news, à la précarité de la condition des journalistes et des personnel de l’information, aux menaces venant de l’extrême-droite de livrer entièrement l’audiovisuel public au secteur privé en général et à leur ami Vincent Bolloré en particulier, il est de notre devoir de trouver une solution qui protège cette indépendance et permette à nos médias public de continuer à jouer leur rôle dans la diffusion d’une information fiable, diversifiée, et accessible à tous.

Nous devons, pour cela, je l’ai dit, légiférer rapidement. Le texte dont nous discutons aujourd’hui propose une réponse incomplète et insatisfaisante. Nous voterons ce texte par esprit de responsabilité, mais cependant, nous ne devons pas nous en contenter.

Dès le PLF qui arrive au Sénat d’ici quelques semaines, nous devrons rouvrir le débat et proposer des solutions pérennes pour garantir la viabilité et l’indépendance de nos médias publics.

Je vous remercie.

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