Financement des entreprises et attractivité de la France

Madame/Monsieur la/le Président-e,
Monsieur/Madame le/la Ministre,
Messieurs les rapporteurs,
Mes chers collègues,

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans la logique obsessionnelle du Gouvernement en matière économique : développer l’attractivité de la France. Et l’instrumentaliser pour augmenter la financiarisation de notre économie.

Pas un jour ne se passe aujourd’hui sans que le Président de la République où l’un de ses ministres ne rappelle que la France est, pour la cinquième année consécutive, le premier pays européen en termes d’investissements étrangers, en mettant, bien entendu, ce succès au seul crédit de son Gouvernement.

Lorsque l’on écoute le Gouvernement, les arguments expliquant cette attractivité sont évidents : la politique de l’offre – c’est-à-dire la pressurisation des travailleurs, la diminution de leurs droits – combinée à une fiscalité avantageuse – c’est -à-dire des cadeaux sans contrepartie – pour les entreprises.

Mais penchons-nous maintenant sur la réalité des faits et cela tombe bien, car le baromètre d’Ernst & Young sur l’attractivité de la France vient de sortir. S’il est scruté et promu avec gourmandise par le Gouvernement pour justifier sa politique, le moins que l’on puisse dire est que nous n’avons pas tout à fait la même lecture de ce document.

Quels sont les 4 principaux critères qui poussent les entreprises étrangères à s’installer en France ? En premier, la qualité de la main d’oeuvre, puis l’environnement juridique et réglementaire stable – renvoyant au passage dans les ronces les critiques sur la soit-disante complexité de notre code du travail – suivent : la fiabilité des infrastructures, – notamment de transport – et la force du marché intérieur, – c’est à dire le niveau de revenu des consommateurs.

La liquidité des marchés et la disponibilité des capitaux figurent en queue de classement, à la douzième place de ces critères. C’est donc tout naturellement ce sujet sur lequel le Gouvernement a choisi d’œuvrer – en priorité – par le biais de cette proposition de loi.

Oui, ne nous y trompons pas, cette proposition de loi est belle et bien d’origine gouvernementale. Elle avait été annoncée il y a quelques mois par le Ministre Le Maire dans un discours de voeux, puis, ô surprise, ces mesures ont été transférées dans cette PPL, par l’intermédiaire du groupe macroniste à l’Assemblée nationale. 

Le but de la manœuvre est d’une simplicité cynique : s’affranchir de l’obligation de fournir une étude d’impact pour mesurer les effets de la loi. 

Peut-être d’ailleurs pour les raisons que j’ai évoqué plus tôt, à savoir que les mesures du texte ne sont pas des leviers si importants pour l’attractivité de notre pays. Il s’agit en réalité d’augmenter la financiarisation de notre économie et participer à la concurrence entre places financières européennes, toujours imaginatives en la matière. 

Quelles sont les mesures de cette proposition de loi très dispensable ? 

La mesure phare du texte : sortir du principe “une action = une voix” en autorisant les actions à droit de vote multiple. En raison de l’absence d’étude d’impact, on peine à mesurer quelles seront les conséquences réelles de cette mesure. Tout juste savons-nous que notre concurrent, ici la place financière d’Amsterdam, l’autorise. 

Désormais détenir une poignée d’actions sera suffisant pour s’assurer le contrôle d’une entreprise. Si nous n’arrivons pas à faire supprimer cette disposition, nous proposerons, dans un souci de maintien de notre appareil productif, de limiter le ratio multiplicateur entre capital et droit de vote et de réserver cette mesure aux salariés et mandataires sociaux de l’entreprise.

Dans cette même lignée, le texte propose plusieurs mesures favorisant les augmentations de capital et les fonds communs de placement. Nous demanderons la suppression de ces articles dont l’impact fiscal n’a pas été mesuré. 

Viennent ensuite plusieurs mesures relatives à la dématérialisation des titres et à la visioconférence pour les assemblées d’actionnaires. Nous aurons sur ces mesures plusieurs propositions, mais ces articles sont somme toute assez anecdotiques au regard du reste de la loi.

Ce qui n’est pas anecdotique en revanche, c’est ce dont ne parle pas ce texte de loi, à savoir la transition écologique. C’est la finance qui détermine de nombreuses trajectoires, notamment énergétiques, dont dépendent notre avenir commun. Si nous ne croyons pas à la chimère d’une finance naturellement verte, nous aurons un certain nombre de propositions pour introduire quelques obligations de transparence en matière de transition écologique.

Si action il doit y avoir sur le monde de la finance, c’est dans ce sens qu’elle doit aller. Nous sommes partisans d’un ciblage du soutien aux entreprises qui s’engagent dans une transition écologique et solidaire, en favorisant les investissements dans les énergies renouvelables, l’économie circulaire et l’inclusion sociale.

Plutôt que de faciliter toujours la financiarisation de l’économie, il faut au contraire promouvoir un système financier qui rentre dans les limites planétaires, en renforçant la régulation des marchés financiers, en luttant contre la spéculation et en favorisant le financement des projets à long terme. Et tout cela ne peut se faire sans la mise en place de mécanismes de transparence et de redevabilité plus stricts pour les entreprises.

La proposition de loi actuelle ne prend hélas pas ce chemin, à l’image de la politique menée par le Gouvernement. C’est pourquoi mon groupe votera contre.

Je vous remercie.

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